Un engagement dans le temps

Publié le par Léo Tamaki

15 ans 8 mois et 9 jours…
J'ai vu le film "American gangster" il y a peu. Il s'agit de l'histoire vraie d'un gangster réalisée par Ridley Scott avec Denzel Washington et Russel Crowe dans les rôles principaux. J'ai apprécié ce film que j'ai trouvé bien réalisé et surtout excellement interprété.
On apprend à un moment que l'un des personnages, Franck Lucas, a succédé à un parrain de la pègre. Je crois qu'il dit à un moment quelque chose comme "Je l'ai côtoyé chaque jour pendant 15 ans 8 mois et 9 jours."




Dix ou quinze ans
Kuroda senseï reçoit beaucoup d'élèves qui ont de hautes ambitions. Galvanisés par sa pratique ils espèrent en allant étudier avec lui quelques années comprendre et surtout arriver à mettre en pratique une partie de ses théories.
Lors d'une conversation Kuroda senseï me dit un jour que beaucoup d'élèves se nourrissaient d'illusions car il fallait au moins dix ou quinze ans de pratique quotidienne pour arriver à changer l'utilisation de son corps.


Kuroda Tetsuzan (Photo Sébastien Chaventon)


Progrès graduels?
Il est évident que dans les voies martiales le changement n'est pas subit après dix ou quinze ans. Mais en admettant que l'on suive une méthode efficace, il faut garder à l'esprit que même si les progrès sont graduels, ce que l'on croit acquis l'est rarement réellement et disparaît rapidement lorsque l'on arrête de pratiquer sous la direction d'un maître. De plus certaines "découvertes" qui sont des passages obligés sont en réalité des impasses que l'on découvre en poursuivant son étude mais qui resteront des vérités si l'on s'arrête en chemin…

Un investissement incompréhensible
L'engagement et l'investissement des maîtres (et non experts célèbres ou champions) ayant réellement atteint un niveau exceptionnel est incompréhensible pour la plupart des gens. Il leur a fallu un acharnement, une obsession qui seraient probablement jugés symptômatiques d'une maladie mentale si ils étaient analysés.

Mc Do et Star'Ac
Aujourd'hui la plupart des pratiquants qui estiment se plonger dans les arts martiaux considèrent s'investir en allant passer quelques années au Japon ou ailleurs en Asie. Ils comptent leurs jours et leurs heures comme des comptables et reviennent précher la bonne parole dans leur pays natal auréolés de ces années de pratique… Et la vérité est qu'à l'époque de la Star'Ac et du Mc Do ils ont fait beaucoup plus que ce que la plupart sont prêts à faire. Et malheureusement probablement bien plus que ce que les générations suivantes seront prêtes à faire car à mesure que nous cherchons à simplifier nos vies nous perdons le goût et la capacité de faire des efforts.

Le début d'un long chemin
Mais ce qu'ils ont pu étudier en quelques années n'est que le début d'un long chemin qui ne prendra de valeur que s'il est poursuivi toute leur vie. Certains le comprennent tandis que d'autres se gargarisent de leurs séjours et stagnent en pontifiant et montrant fièrement les quelques pas qu'ils ont faits sur la route…


Publié dans Budo

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B
Bonjour Léo, concernant ce sujet mon opinion est très simple: pour moi l'engagement/perseverance "doit"/"devrait" plutôt être une sorte de "conséquence naturelle" (donc sans même avoir a vraiment se "forcer" ou "faire de fixation") découlant du "renouvellement des perspectives d'étude" au fil de la pratique. (donc l'opposé du "je pratique mais je sais pas pourquoi ni comment mais je le fais car j'attends un jour la "revelation" et donc je me sens obligé de pratiquer sinon le ciel va me tomber sur la tete", j'avoue moi même avoir eu une phase un peu comme ça)Pour résumer, je crois très pertinente ta comparaison avec les croyants: pour moi il y a  d'un coté les "bigots" (ce qui me semble correspondre à ce que dans certains de tes sujets on apelle les "petits samourais" incapables de vouloir s'ouvrir sur l'extérieur, ) et d'un autre coté il y a les "devots" : ceux qui bossent mais sans chercher à ce que tout le monde admire leur zele, qui bossent "naturellement" car ils sont contents d'aller bosser (et non car ils craignent la "punition divine" de ne pas avoir la "revelation") et qui veulent s'ouvrir sur l'extérieur.  donc à mon avis l'engagement est un moyen necessaire, mais je crois plus "sain" qu'il ne devienne pas une "fin " . Voilà du moins mon opinion. amicalementbenoit
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L
Le parallèle de cet article me semble intéressant, même si j'avoue être un peu restée sur ma faim car j'aurai aimé que le sujet soit un peu plus creusé.Et les questions posées aussi bien dans l'article que dans les différents commentaires me paraissent très justes, et justement il me semble que le mot "magique" ici est bien "Art".Qu'il soit martial, musical, pictural ou autre, tout Art demande un investissement total de la part du pratiquant, de l'Artiste... Et donc il reste bien peu de temps pour autre chose que le vécu de cet Art.Et en fait est-ce réellement un sacrifice lorsqu'on accepte de ce laisser porter par l'appel que l'on ressent en soi ?Je me souviens de mon premier Maître de Tai Ji qui nous disait qu'é force de pratiquer un beau jour nous parviendrions à l'ivresse de la pratique. L'exultation du ressenti du corps où l'esprit risque de perdre son chemin dans la joie de l'instant. Alors que justement c'est l'esprit qui dirige (normalement) et contrôle/canalise le ressenti dans la voie voulu.Pour moi ça a toujours été un peu cela. Non pas se perdre dans l'instant, mais parvenir au ressenti pour aller au-delà.  Cependant, lorsqu'on est femme et mère, même si l'envie de se consacrer à la Pratique et au développement de son Art, c'est là un choix quasi impossible à faire, car être mère nous ramène à d'autres réalités bien plus "racines". La perception de l'investissement est différent, et surtout, être Mère c'est aussi se consacrer à une forme de développement d'Art... Et perpétuer cet Art d'autant plus complètement et dans la pérennité.Je ne suis pas certaine de bien me faire comprendre ^o^L.
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L
Bonjour Laurylan,Merci pour votre commentaire.En fait cet article était supposé aborder le sujet de l'engagement des personnes partant s'entraîner un peu en Asie et se servant de leur séjour à leur retour afin de se donner une légitimité...Un angle bien particulier et restreint. Le sujet s'est ouvert et tant mieux.Des commentaires sont d'ailleurs aussi présents sur mon blog, leotamaki.comFait-on un sacrifice... Je pense que l'on fait au moins un choix souvent difficile. Particulièrement dans le cas de la maternité comme vous l'évoquez qui stoppe temporairement et parfois définitivement la pratique. Pour quelque chose de probablement beaucoup plus essentiel j'en conviens.Merci,Léo
F
Merci Léo pour cette réponse malgré ton emploi du temps chargé...Bises,France
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F
Si l'on doit sacrifier quelque chose dans l'histoire, c'est que l'on n'est pas arrivé à équilibrer les choses... Tout est une question d'équilibre, de Yin et de Yang... Cela aussi, on l'apprend dans les arts martiaux et à force de ténacité et de patience, (beaucoup de diplômatie aussi!!!) on finit par y arriver. Etre maître en arts martiaux ne signifie pas obligatoirement arrêter la vie familiale... Evidemment cela dépend aussi de la personne qui partage notre vie...
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L
Sacrifice peut sembler un grand mot mais c'est parfois le terme juste. Notre temps n'est pas extensible et celui qui a une profession prenante et une famille doit réussir un véritable tour de force pour pouvoir se consacrer ne serait-ce que quelques heures à la pratique.S'il s'y jette passionément alors les choix seront souvent douloureux. Cela est d'autant plus vrai de nos jours mais ce problème existait déja dans les temps anciens. Et beaucoup de pratiquants accomplis avaient une vie familliale... insatisfaisante.La pratique comme source d'équilibre en tant que loisir est bien sûr autre chose...Léo
S
Bonjour,Encore un très bon article et qui me fait bien réfléchir. Il est vrai qu\\\'il y a une grande différence entre l\\\'Aïkido "Loisir", comme tu l\\\'écris Léo, en pratiquant une ou deux fois semaine et si il n\\\'y a pas de tensions familiales, de chouettes programmes télé etc. et les personnes qui s"investissent ou tentent de s\\\'investir totalement dans une discipline martiale. Il est toujours difficile de trouver un juste millieu et les freins sont nombreux dans l\\\'évolution. Particulièrement, lorsque l\\\'on vit avec une personne non pratiquante et qui ne comprend pas cet "engagement", j\\\'ai remarqué dans mon humble fonction d\\\'enseignant que cet aspect joue un rôle non négligeable dans la diminution de la pratique,si pas dans l\\\'arrêt complet.Pour ma part, j\\\'ai choisi et même si je suis passé à côté de certaines choses et même si je n\\\'arriverai pas à un très haut niveau, je ne regrette absolument rien ne fut ce que par les merveilleuses rencontres générées par l\\\'étude partagées des voies martiales.J\\\'essaie toujours de persuader mes quelques élèves mais, à part une vraiment intéressée, c\\\'est un peu prêcher dans le désert....
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L
Merci Stéphane,La difficulté est effectivement dans l'équilibre et malheureusement notre société qui semble faciliter la vie nous disperse en réalité bien souvent...Difficulté augmentée quand la personne qui partage votre vie ne comprend pas la passion qui vous anime.Les efforts que l'on consent sont pourtant généralement très largement remboursés.Léo